Tours, Place Plumereau
Située au cœur du Vieux Tours et de son secteur sauvegardé, la place Plumereau, ou surnommée place Plume par les Tourangeaux, doit son nom au legs de Charles Plumereau, ancien conseiller municipal de Tours mort en 1885. Cette place présente des maisons en pan de bois des XVe et XVIe siècles ainsi qu’une maison en pierre du XVIIe siècle dans sa partie méridionale. Au nord, la démolition de l’église Saint-Pierre-le-Puellier à la Révolution française entraîne une reconstruction du premier quart du XIXe siècle dans l’esprit du XVIIIe siècle [Boutineau, 1901, p. 587].
Vers 1869, le conseil municipal décida d’un agrandissement de la place où seul le côté ouest devait suivre un plan d’alignement et qu’un îlot d’habitation sur le milieu de la place serait démoli [Jeanson, 1991, p. 414]. Mais par manque de moyen, tous ces aménagements ne furent réalisés qu’au début du XXe siècle. La partie occidentale de la place Plumereau a subi un réalignement, le n°13 place Plumereau est une ancienne maison, le n°11 est une maison dont la façade en pans de bois – sans doute plaquée sur une autre façade – date du 1er quart du XXe siècle et le n°37 rue Briçonnet est une maison de la deuxième partie du XIXe siècle construite dans un style néo-renaissance italien.
La partie orientale de la place est un ensemble de maisons construites dans la seconde moitié du XVIIIe siècle et correspond à l’ancien carroi aux chapeaux.
Le maire de Tours, Marcel Tribut, conscient de la vétusté de certaines habitations du Vieux Tours, avait lancé au milieu des années 1950 des procédures municipales visant à encourager la réhabilitation de cet habitat, notamment celui bordant la place Plumereau. Les maisons de la rue du Grand-Marché présentaient alors un état avancé de délabrement et d’insalubrité, qui transparaît sur les photographies anciennes [Noblet, 2013, p. 205].
Une enquête de 1960 montre qu’en l’absence d’égout, les eaux usées se déversent dans la rue ou dans les caves, que 28% des logements n’avaient pas l’eau courante et que 94% ne possédaient pas de salle de bain [Boille, 1987, p. 21]. La promulgation en 1962 des lois Malraux facilita la mise en place de campagnes de restaurations ainsi que de réaménagements des quartiers historiques du Vieux Tours [Noblet, 2013, p. 205]. Les travaux portent donc sur l’aménagement de logements afin d’apporter des éléments de confort moderne à savoir l’installation de cuisine, de salle de bain, de toilette, de chauffage central et de l’électricité. Ce plan prévoit également la démolition de quelques bâtiments ou parties de bâtiments [AD 37, 30 J 231]. Débutées au milieu des années 1960, les campagnes de restauration du front sud de la place Plumereau sont entreprises sous la direction de Pierre Boille [Noblet, 2013, p. 205]. L’architecte a réalisé des campagnes photographiques des travaux qu’il a supervisés [AD 37, 30J Fonds Boille, Album photo n°5, place Plumereau], mais l’archéologie du bâti ne prend son essor qu’au milieu des années 1980, à l’époque du développement de l’archéologie préventive, et en conséquence les restaurations souffrent d’un manque de véracité historique. Seules la maison sise au 26 rue de La Monnaie et la maison sise au 2 rue du Grand-Marché restent épargnées des lourdes restaurations [Noblet, 2013, p. 205]. Les photographies anciennes attestent d’une maison en pan de bois recouverte d’ardoises qui garde d’intéressantes sculptures placées sur les piliers qui soutiennent les étages en encorbellement, les poteaux corniers et les encadrements de fenêtres et d’une maison qui présente un hourdis dont les briques liées au mortier créent des motifs décoratifs qui furent relevés par les architectes Albert Laprade en 1942 et Albert Archambault en 1965 [Noblet, 2013, p. 205]. En revanche, le remplacement des hourdis au fil du temps et les enduits couvrants les maisons ne permettent pas d’attester de la véracité historique des motifs géométriques dessinés par les briques aux maisons 6, 8 et 10 de la rue du Grand-Marché, l’allège du n°10 portant même la date 1962. Quant au hourdis du n°12, une vue ancienne de cette façade confirme que les actuels agencements de briques – des motifs décoratifs formées de briques disposées obliquement, verticalement et horizontalement – entre les pièces de bois résultent d’une invention née de la volonté des restaurateurs et ne s’appuient nullement sur les vestiges visibles lors de la réfection qui présentent des briques uniquement disposées verticalement.
Maison 26 rue de la Monnaie
Cette maison sise sur la place Plumereau présente l’un des plus riches décors des maisons en pan de bois à Tours. Cette parcelle se situe à l’angle de deux rues, la rue de la Monnaie et la rue du Change. Les façades sont en pan de bois recouvert d’un essentage en ardoise qui protège des intempéries tandis que le mur mitoyen à la maison voisine est en pierre, formant ainsi un coupe-feu. Le rez-de-chaussée est percé d’une baie de boutique et d’une porte sur la rue du Change. Sa façade sur la rue de la Monnaie se divise en deux pignons différents et se compose de trois baies de boutique. Ce choix constructif a été dicté par la solidité et donc la longueur des bois disponibles pour la construction.
L’encorbellement au premier et deuxième étages repose sur des poteaux élargis qui, avec l’encadrement des fenêtres, offrent aux sculpteurs un espace propice à la réalisation d’un décor : la porte surmontée d’une Accolade, les sablières ainsi que l’encadrement des croisées sculptés avec des culots figurés et les poteaux moulurés en forme de colonnes. Enfin le décor présente des sculptures figurées d’une grande qualité. La partie basse est consacrée à l’Adoration des mages. À l’angle nord-ouest, se trouve la Vierge assise tenant l’Enfant. L’Enfant est tourné vers un mage. En dessous se tient un berger jouant de la musique : l’évocation de l’Annonce aux bergers. À droite de la porte sur la rue du Change, un autre mage porte une robe doublement fendue. Dans la rue de la Monnaie, un homme avec un capuchon serait le 3ème mage ou un berger puisqu’il n’est pas couronné. En partie haute prennent place un couple non identifié dans l’angle nord-ouest, un homme avec une hallebarde (saint Jude ?), un homme avec une épée et un livre (saint Paul ?), un homme avec une hache (saint Mathieu ?) et les autres n’ont pas été identifiés à ce jour.
Cette maison d’angle date du XVe siècle ou de la première moitié du XVIe siècle d’après la technique d’assemblage de la structure en bois et la richesse du décor.
Maison 2 rue du Grand-Marché
La maison borde l’un des principaux carrois de Tours, le Carroi aux Chapeaux (l’actuelle place Plumereau). La place offre assez de recul pour admirer les façades de la maison. Le rez-de-chaussée est en pierre tandis que les étages sont en pan de bois. Les étages en encorbellement reposent sur des colonnes ancrées dans le mur du rez-de-chaussée. Sur les pièces en bois horizontales qui reçoivent désormais la devanture du bar Les 3 Rois (les sablières de chambrée) apparaît un ornement issu du vocabulaire de la Première Renaissance : une frise de glyphes. Les éléments gothiques s’observent sur les croisées et demi-croisées aux angles supérieurs arrondis, aux encadrements à tores soulignés de gorges, aux jambages et meneaux qui retombent sur des bases prismatiques. À Tours, les ornements gothiques restent très en vogue sur les maisons en pan de bois, les ornements de la Première Renaissance étant assez rares. Aussi, cette association d’éléments renaissants et d’éléments gothiques permet-elle de dater la maison autour de la première moitié du XVIe siècle. L’emploi de croix de saint-André est réservé aux premier et deuxième étages tandis qu’une ossature à grille caractérise l’étage de comble. Sur la rue du Change, le deuxième étage dispose d’une ossature mixte, à croix de saint-André et à grille. Si l’authenticité des motifs géométriques dessinés par les hourdis de briques des maisons des n°6, 8 et 10 de la rue du Grand-Marché (sur la place Plumereau) n’est pas prouvée, ceux de cette maison sise au n°2 sont attestés par les anciennes photographies. Ils ont également été relevés par les architectes Albert Laprade en 1942 et Albert Archambault en 1965, avant la restauration. Des exemples de briques taillées ou disposées obliquement de manière à suivre l’orientation des pièces de bois des croix ou des losanges sont bien connus à Tours, tout comme à Orléans, pour le XVIe siècle.
Maison 4 et 6 rue du Grand-Marché
La parcelle comprend trois corps de bâtiments. Une maison du XVe siècle en pan de bois et à pignon sur rue sise au n°6 de la rue du Grand-Marché renferme une pièce par niveau de 9 m de long sur 4,3 m de large. Cette maison possède son escalier en vis hors-œuvre sur la cour. Une maison en pierre du XVIIe siècle donne sur la rue de la Rôtisserie. Cette maison comporte deux pièces dont une dépend du n°4 rue du Grand-Marché qui partage également avec le n°6 son couloir et sa cour. La maison en pan de bois présente une Travée, sauf au premier étage avec une travée et demie, et s’élève d’un rez-de-chaussée sur caves ainsi que de trois étages carrés et d’un étage de comble à ferme débordante. Les façades sont rythmées par un pan de bois à grille et à croix de Saint-André au niveau des allèges des fenêtres. L’encorbellement sur poteaux élargis aux premier et deuxième étages était recouvert par un enduit avant les restaurations des années 1960. Les poteaux corniers sont en forme de colonnes sur lesquels les sablières moulurées de cavets formant un larmier en retour se reposent. Ces derniers éléments se retrouvent sur la façade relevée par l’architecte Albert Archambault en 1966 présentant l’état avant restauration. En revanche, l’ossature secondaire et baies ont été modifiées et la porte couronnée d’une accolade avec crochets et fleuron est le résultat d’une restauration (à titre de comparaison, la porte 23 rue Colbert a gardé son décor d’origine) [AD 37, 30 J 231].
Maison 8 rue du Grand-Marché
Cette maison du XVe siècle sise au n°8 de la rue du Grand-Marché est suivie d’une cour qui donne directement sur la rue de la Rôtisserie. Cette maison d’une pièce de 5,7 m de long sur 4,2 m de large possède un escalier dans-œuvre qui dessert un rez-de-chaussée et un premier étage en pierre ainsi que deux étages carrés et un étage de comble en pan de bois à grille. Une travée rythme la façade et se termine par une Lucarne à ferme débordante. Un enduit imitant la pierre de taille la recouvrait avant les restaurations de 1966. Ses façades sur cour et sur rue étaient en mauvais état, la maçonnerie de pierre de taille est reprise en sous-œuvre, l’ossature en bois reste à l’exception des bois en mauvais état qui sont enlevés et le remplissage en briques est repris [AD 37, 30 J 231].
Maison 10 rue du Grand-Marché
Cette maison en pan de bois sise 10 rue du Grand-Marché et une cour donnant sur la rue de la Rôtisserie occupent une parcelle longue de 15 m de long et large de 6 m. Un couloir latéral actuel devait être une allée commune qui a été recouverte par la suite. Cette maison d’une pièce de 4,8 m sur 6,85 m comprend un escalier hors-œuvre sur cour. Cette maison présente une travée et demie aux premier et deuxième étages et une travée au troisième étage et à l’étage de comble à ferme débordante. La façade est rythmée par un pan de bois à grille et par des croix de Saint-André au niveau des allèges des fenêtres. L’encorbellement sur poteaux élargis aux premier et deuxième étages était recouvert par un enduit avant les restaurations des années 1960 (cf. carte postale Maisons de la place Plumereau, état avant 1914). Les poteaux corniers sont en forme de colonnes et celui du premier étage se termine par un Engoulant qui mêle les traits d’un dragon ou d’un loup ou d’un chien avec une mâchoire fermée [Dreyfus, 2007, p. 35]. Une créature au trait similaire se retrouve sur la maison 32 rue Briçonnet.
En 1966, le dossier dressé par l’architecte Michel Marçonnet mentionne que la maison a été entièrement restaurée sous l’impulsion du syndicat des Architectes alors propriétaire : « l’ensemble de la façade sur rue du Grand-Marché ayant été restauré, seul reste à exécuter les menuiseries extérieures et l’aménagement du magasin en façade » [AD 37, 30 J 231]. Sur une photographie ancienne, seul l’ouvrage de charpenterie est visible derrière un échafaudage, l’hourdis a disparu. En effet, quatre ans auparavant, de nombreuses pièces de bois avaient été changées et l’hourdis complètement repris, l’allège du troisième étage portant même la date 1962.
Maison 12 rue du Grand-Marché
Cette maison du premier quart du XVIe siècle à pignon sur rue sise au n°12 rue du Grand-Marché se tient sur une parcelle de 16 m de long sur 5,8 m de large. Cette parcelle comporte trois corps de bâtiments dont une maison en pan de bois, et rue de la Rôtisserie, une maison sans doute primitivement en pierre de taille recouverte aujourd’hui d’un enduit et sa tour d’escalier en vis hors-œuvre donnant sur la troisième maison transformée en une cour au premier étage. La maison en pan de bois de deux pièces présente deux travées, sauf à l’étage de comble, et s’élève d’un rez-de-chaussée sur caves en pierre ainsi que de deux étages carrés rythmés par un pan de bois à croix de Saint-André et d’un étage de comble en pan de bois à grille. La sablière de chambrée du premier étage, décorée d’engoulants aux extrémités, porte l’encorbellement et repose sur trois corbeaux en pierre, à moulure ronde comparable à ceux du 2 rue du Grand-Marché. Le rez-de-chaussée en pierre est l’un des exemples des constructions réalisées à la Renaissance : la porte s’orne de colonnes engagées, l’imposte est percée d’un jour encadré de feuillages et de rubans ainsi qu’un fronton triangulaire décoré de part et d’autre d’angelots bûchés et des consoles à feuillages soutiennent les blochets du comble à ferme débordante. En 1967, le dossier dressé par l’architecte Michel Marçonnet mentionne qu’une partie du bâtiment rue de la Rôtisserie est démolie : « les bâtiments côté sud est seront démolis jusqu’à niveau du dessus de la réserve: ceci permettra de dégager la tourelle en pierre de taille et la façade sur courette avec les croisées Renaissance. » [AD 37, 30 J 231]. La façade rue du Grand-Marché reçoit un nouvel habillage en bois pour remplacer les boiseries du magasin jugées peu esthétiques (cf. carte postale Maisons de la place Plumereau, état avant 1914). Les extrémités de la sablière reçoivent un engoulant, légèrement antérieur ou contemporain à la porte Renaissance construite dans les années 1530-1540 mais refait dans les années 1960. Le hourdis en brique en mauvais état nécessite que les briques de la façade soient totalement ravalées et que la moitié soit reprise en sous-œuvre. La porte en pierre avec sa niche et son fronton est conservée et nettoyée [AD 37, 30 J 231].
Bibliographie et sources
Archives départementales d’Indre-et-Loire (AD 37), 30J – Fonds des architectes Marcel Boille, Maurice Boille, Pierre Boille, Jacques Boille et Philippe Boille (1876- ).
Boutineau François Émile, « Note sur l’église Saint-Pierre-le-Puellier à Tours », dans Bulletin de la Société archéologique de Touraine, T. 13, 1901, p. 587-589.
Boille Pierre, Le Vieux Tours, Tours, Ed. de La Nouvelle République, 1987.
Dreyfus Zoé, Le motif de l’engoulant sur les charpentes des églises du département d’Eure-et-Loir (28) à la fin du XVe et au XVIe siècle, mémoire de master II d’Histoire de l’Art, sous la direction d’Alain Salamagne, Université François-Rabelais de Tours, [2007].
Jeanson Denis, Sites et monuments du grand Tours, Tours, Astragale, 1973.
Noblet Julien, « L’architecture en pan de bois à Tours : nouvelles perspectives », dans Alix Clément, Épaud Frédéric (dir.), La construction en pan de bois : Au Moyen Âge et à la Renaissance, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2013.